La question du sens au travail est un vaste sujet qui traine derrière lui un cortège d’espoirs et de désillusions. Les mots-valises sont toujours passionnants parce qu’ils désignent tout ce que l’on ne comprend pas bien. Alors de quoi parle-t-on quand nous utilisons l’expression « perte de sens au travail » ? Est-il possible d’exercer une action pour redresser la barre lorsque l’on est PDG, manager ou DRH ?
La quête de sens au travail est-elle personnelle ?
Pris d’un point de vue existentiel, la question du sens est d’abord personnelle et les aspirations individuelles sont aussi nombreuses que les individus eux-mêmes. Est-il raisonnable de vouloir agir dessus lorsqu’on est PDG, manager ou DRH ?
L’entreprise ne peut de toute évidence pas se substituer au salarié dans la quête de ce qui fait sens pour lui. L’entreprise poursuit par contre une finalité et possède parfois une vision plus large de sa raison d’exister et de sa contribution au monde. Nous autres les coachs sommes là pour accompagner les salariés dans la clarification de leurs besoins, la connaissance de leurs valeurs et aspirations afin de co-construire un parcours d’alignement qui leur permette d’aller vers les entreprises qui leur correspondent. À ce niveau-là, il s’agit de chercher le bon « match existentiel ».
Pour autant, la question du sens et surtout de la perte de sens au travail est-elle réglée ? Je ne crois pas. Il ne suffit pas de s’entendre sur une finalité existentielle ou une vision d’avenir pour régler une fois pour toute ce qui fait sens au travail.
Perte de sens au travail ou vécu de non-sens ?
« Je suis attaché à mon entreprise, j’aime mon métier mais je ne trouve plus de sens à ce que je fais », voilà ce que j’entends parfois dans mon cabinet… et pour cause : la recherche de sens au travail s’incarne au quotidien dans la façon d’exercer un métier. Autant que possible les salariés souhaitent exercer leur cœur de métier comme une priorité (avant l’administratif, le reporting et la réunionite). Ils veulent le faire bien (exit le bricolage et autre ‘quick and dirty’ ) et obtenir une satisfaction pour les efforts qu’ils ont fournis (résultats obtenus, reconnaissance).
La perte de sens exprimée par un salarié revêt souvent un vécu de non-sens – d’absurdité – dans l’exercice quotidien de son métier avec :
- l’absence d’horizon : « il n’y a pas de stratégie, tout est décidé à la petite semaine et je ne comprends plus ce qui est attendu de moi »
- des changements d’objectifs trop fréquents : « mon nouveau manager me demande l’inverse du précédent… je dois défaire ce que j’ai mis tant d’énergie à construire »
- un décalage entre le travail prescrit et la réalité : « Mes objectifs annuels ont été fixés de façon arbitraire par ma hiérarchie et ne correspondent pas à la réalité de mes tâches quotidiennes. »,
- un manque de moyen : « l’entreprise se développe énormément, les effectifs restent les mêmes… je ne vois pas comment on va faire »
- des changements managériaux récurrents : « mon manager n’a pas d’historique sur les dossiers que j’ai mené, il ne reconnait pas mes compétences à leur juste valeur »
- une confusion des rôles : « nous nous marchons sur les pieds entre collègues, cela crée beaucoup de tensions »
- une dilution des résultats : « je ne sais pas évaluer le niveau de ma contribution dans l’équipe, je ne sais même pas si ce que je fais est réellement utile»,
- un travail en mode dégradé : « Je suis obligé de faire du quick and dirty pour tenir les délais».
Les entreprises peuvent (ré)agir !
Souvent les entreprises communiquent sur leur raison d’être – leur sens « existentiel » – et elles ont raison de le faire. Pour autant, il est dommageable de négliger la question du sens telle qu’elle est vécue par chacun dans l’exercice pratique d’un métier. Le sens d’un métier se construit sur le socle d’une stratégie, d’une organisation et d’un management solide et se décline dans les tâches menées quotidiennement par chaque professionnel. C’est dans le décalage qu’il y a parfois entre la carte et le territoire que s’infiltre progressivement la perte de sens au travail. C’est donc au plus près du quotidien du salarié que les entreprises peuvent agir avec deux mots d’ordre : simplifier et faciliter l’exercice du métier.
